Les quilles en Aveyron

Dans le cadre du projet Festi'quilles mettant en valeur le jeu de quilles en terres rouergates, l'Institut occitan de l'Aveyron vous conte l'histoire de ce sport aux racines profondément aveyronnaises.

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Le sport traditionnel du Rouergue

Le sport traditionnel du Rouergue était et reste le jeu de quilles. Les hommes y jouaient souvent le dimanche après-midi (on disait far a las quilhas) et le produit des paris servait à payer lo quatre-oras, souvent un polet sautat commandé à l’auberge. Lo quilhièr était l’espace dédié au jeu et les enfants qui se dévouaient pour relever les quilles tombées par les joueurs et renvoyer la boule recevaient une étrenne.

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Notre film sur les quilles en Aveyron.

Nautres, èrem quatre o cinc de la classa, las tornàvem quilhar e envoiàvem la bola. Nos donavan un sòu, cinc centimes. De còps, ganhàvem tres sòus aital.

Andurand Emile, né en 1906 à La Capelle-Bleys, Al canton de Rieupeyroux

"Nous, nous étions quatre ou cinq du même âge, nous les redressions et nous envoyions la boule. Ils nous donnaient un sou, cinq centimes. Parfois, nous gagnions trois sous ainsi."

Découvrez Festi'Quilles !

Le Département de l'Aveyron lance Festi’Quilles pour faire découvrir les quilles de huit, un jeu traditionnel aveyronnais, des initiations gratuites pour enfants et adultes seront proposées !
Les meilleurs joueurs des régions Aubrac, Causses, Vallon, Lévézou, et Ségala s'affronteront en compétition !

Neuf rendez-vous sont prévus, avec des concerts, marchés nocturnes et randonnées en parallèle !

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En Rouergue occidental

En Rouergue occidental et quelque peu sur le Ségala (Castanet, Sauveterre, Prévinquières, Rieupeyroux...), on jouait au rampeau (rampèl, rampèu) avec six quilles placées en triangle et une boule d’environ 15 centimètres de diamètre, sans poignée.

Souvent, on bâtissait une piste en bois (un peu comme au bowling) pour faire rouler la boule sur dix mètres à trois reprises. Ce jeu donnait lieu à des paris qui furent interdits.

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En Rouergue central et septentrional

En Rouergue central et septentrional, on joue avec neuf quilles et une grosse boule percée d’une poignée.

Le jeu d’aujourd’hui est un sport réglementé qui porte le nom de “quilles de huit” car la neuvième quille (appelée tampanèl, tampa, tiraira, quilh, bilhon ou quilhon) est frappée avec la boule pour être projetée sur les quilles dressées.

Les distances des lancers varient de 5 m en 5 m, entre 5 et 20 m, avec un lancer de la boule seule à 1 m. La bona ou bufa (parfois appelée la sèt) est la quille qu’il faut tomber impérativement dans certains cas de figure.

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En Rouergue méridional

En Rouergue méridional, on jouait également à une sorte de rampeau, souvent propriété d’un quilhaire qui organisait le jeu dans les fêtes de la région moyennant une petite rétribution.

Au XVIIIe siècle, le jeu de quilles s’y pratiquait déjà comme au XXe siècle, entre hommes, le dimanche près d’une auberge, avec une bouteille pour enjeu. Le jeu de boules semble y avoir concurrencé le jeu de quilles dès le début du XXe siècle.

Jogavan coma duèi o alara inventavan de jòcs. Disián : “Te cal sortir la quilha qu’es al mièg mès pas qu’aquela !

Puech André, né en 1924 à Baraqueville, Al canton de Baraqueville-Sauveterre

"Ils jouaient comme aujourd’hui ou alors ils inventaient des jeux. Ils disaient : “Il te faut sortir la quille qui est au milieu mais rien que celle-là !"

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Avant 1912

Avant la codification du jeu de quilles de huit par le docteur Joseph Ayrignac (1874-1951) et ses amis de La Solidarité aveyronnaise en 1912, il existait de nombreuses variantes : al torn de quilhièr, a la bona, a pè d’andèr, a la vint-a-una, a pausa-quilha ou pòrta-quilha,a rebatre, a ni far, a metre, a sortir (ou tombar) la nòu, al jòc traucat, a curar (ou sortir) l’uòu, a las pensas, ...

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De 1912 à 1957

Au cours de l'opération País I (Ségala-2021), nous avons interrogé l'un des piliers du sport de quilles : Jacques Regourd. Nous publions quelques extraits de l'ouvrage qu'il a rédigé à l'occasion du cinquantenaire du sport quilles Magrin-Parlan en 2013.

Camin de vida de M. Jacques Regourd

« Le printemps 1912 aura été déterminant dans la destinée du jeu de quilles de huit, appelé jusqu’à la fin des années 50 “quilles de neuf aveyronnaises” car il correspond à sa codification, synthèse librement acceptée par les participants aux fêtes organisées par les Aveyronnais de la capitale réunis au sein d’une amicale, La Solidarité aveyronnaise, créée en 1907 et présidée par Joseph Ayrignac. Le nom des trois “solidaires” ayant rédigé le premier règlement, MM. Garric, originaire de Rodez, Quintard, originaire d’Espalion et Plagnard, de Prades d’Aubrac, est ainsi passé à la postérité.

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La Grande Guerre interrompra fêtes et concours, mais le jeu de quilles codifié ou non (jusqu’aux années 60, de nombreuses variantes continueront d’avoir cours avec le “jeu à mettre”, les règles étant dans ce cas définies avant les rencontres) reprendra une certaine vigueur. La première société de quilles créée en Aveyron sera celle d’Espalion, le 16 octobre 1921. La société de Rodez verra le jour, quant à elle, en 1934. Les quilles vivoteront, se nourrissant de la rivalité entre Aveyronnais de Paris et Aveyronnais du pays, notamment après la création de championnats de France en 1946, sans concerner plus de deux à trois cents joueurs répartis dans une vingtaine de sociétés en Aveyron et quatre ou cinq à Paris. L’Aveyron est alors scindé en secteurs géographiques. Rodez, Espalion et Decazeville sont les plus fournis. Les sociétés sont alors nombreuses dans le Bassin : Fontvernhes, Firmi, Hymes, Cransac, Le Gua, Auzits, Aubin, Rulhe, etc. Goutrens, Mayran, Escandolières fourniront aussi leur contingent.

Il n’en demeure pas moins qu’en 1957, Jacques Bousquet, directeur des Archives départementales de l’Aveyron, écrira dans la Revue du Rouergue à propos des quilles qu’il faudrait « se hâter d’en noter les règles (…) pour satisfaire la curiosité des historiens de l’avenir. »

--- Regourd Jacques ---

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Matériaux et fabrication des équipements

Dans les villages, c’était souvent les sabotiers (esclopièrs) qui fabriquaient les jeux de quilles. Au Vibal, sur le Lévézou, trois générations de la famille Courtial (Victor, Raymond et Jean-Louis) ont fabriqué des jeux de quilles. Il y a aujourd'hui plusieurs fabricants de jeux de quilles en Aveyron, notamment l'entreprise Mouysset à Bozouls.

La boule

La boule (bola) était jadis en racine de noyer (noguièr), la poignée (ponhada) y étant creusée dans la masse. Les boules composites modernes sont tout aussi solides mais moins lourdes (28 cm de diamètre maximum, 4 à 6 kg).

Les quilles

Les quilles, quant à elles, étaient en hêtre (fau) et légèrement arrondies d’un côté. On continue à les fabriquer en hêtre (60 cm de haut pour un diamètre de 7 cm) ou en charme mais il en existe aussi en matière composite.

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1957 : le jeu de quilles devient un sport

Pendant l'opération Pais II (Comtal, Lot et Truyère - 2022), nous avons collecté les souvenirs de cette autre grande figure aveyronnaise du jeu de quilles de 8 : Henri Recoules.

« Si les années 60 voient quasiment disparaître les jeux improvisés au profit du jeu codifié mais aussi la plupart des sociétés du Bassin, plusieurs facteurs vont contribuer à perpétuer la pratique de ce jeu, à commencer par sa reconnaissance en tant que sport, précisément en 1957.»

--- Regourd Jacques ---

Camin de vida de M. Henri Recoules

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«D’autres facteurs interviendront progressivement dans le développement de la pratique, tels que la “réintroduction” des quilles dans le milieu scolaire (USEP), dans les années 70, grâce à des instituteurs dont le plus connu répond au nom d’Henri Recoules, mais aussi la structuration des compétitions grâce à des organisateurs comme Charles Verdier ou Rémy Ginestet, puis l’ouverture de la discipline sur le monde extérieur, proche ou plus éloigné, sa féminisation, sa professionnalisation (embauche d’un conseiller technique), son intégration officielle dans le temps scolaire grâce aux dirigeants les plus récents.»

--- Regourd Jacques ---

«Aujourd’hui, les quilles de huit sont devenues un sport reconnu, avec une équipe technique et des éducateurs diplômés (plus de 180), non seulement par les ministères de la Jeunesse et des Sports ou de l’Éducation nationale, mais aussi à l’international par l’Association Européenne des Jeux et Sports Traditionnels (AEJeST). Contre toute attente, les quelques centaines d’irréductibles pratiquants de l’époque auront été multipliés par plus de 10 puisqu’en 2012 plus de 4 600 quilleurs/euses licenciés ont été dénombrés, faisant du sport de quilles de huit le deuxième sport le plus pratiqué en Aveyron, après le football et, au plan national, la deuxième discipline de la Fédération Française de Bowling et de Sport de Quilles (FFBSQ), derrière le bowling.»

--- Regourd Jacques ---

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Implantation des clubs de Quilles de Huit en Aveyron - Agence du sport

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Bulletin municipal de Cassagnes-Bégonhès, 2020

Aujourd'hui, on peut dire que le jeu de quilles aveyronnais se porte bien. Outre l’encadrement des instances purement sportives, il bénéficie du soutien de l’Association intercommunale de promotion sportive et culturelle des quilles de huit depuis 1995 (association qui a reçu en 2019 le trophée des bonnes pratiques de promotion des Jeux et Sports Traditionnels de la part de l’AEJeST) et de celui de l’Amicale parlementaire des sports et jeux traditionnels créée en 2010.

Et, comme toute autre discipline sportive, le jeu de quilles peut être enseigné dans les écoles du département pendant le temps scolaire.

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Conclusion

Il existe plus de 80 clubs de quilles en Aveyron, avec des licenciés masculins et féminins de tous âges.

Campuac a construit le plus grand quillodrome couvert de l’Aveyron (avec système d’arrosage) et certaines communes ou villages du département ont des bâtiments permettant aux quilhaires de jouer à l’abri du mauvais temps (Trémouilles, Le Trauc-Rodez et Onet le Château, Bertholène, Bozouls, Espalion, Laguiole, Limayrac, Sainte-Geneviève, Millau).

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Tant que Sant-Cosme a pas jogat,
Degús a pas ganhat.

"Tant que Saint-Côme n'a pas joué, personne n'a gagné."

Pour l’heure, 8 départements pratiquent ce jeu : l’Aveyron, la Haute-Garonne, l’Hérault, la Lozère, le Lot, Paris, le Tarn et le Tarn-et-Garonne.

Le jeu de quilles de huit a su évoluer et s’adapter au fil des décennies, passant d’un simple loisir rural à un sport structuré et reconnu. Aujourd'hui, ce jeu traditionnel continue de rassembler et de passionner de nombreux joueurs de tous âges et horizons, perpétuant ainsi une riche tradition culturelle.

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